Arnaud Adami est de cette génération qui souhaite, d’une part, se ressaisir d’une peinture figurative qui a longtemps été boudée et qui, d’autre part, a pris conscience du pouvoir des images. Comme nombre de ses contemporains, il a compris l’impact qu’une représentation infidèle ou défaillante pouvait avoir sur les corps minorisés. Dans ses peintures, les muses ne sont donc pas des corps objectivés sur lesquels nous viendrions simplement poser notre regard ; ce sont des sujets agissants, doués de savoir-faire et dont il faut considérer la voix. Arnaud Adami évite aussi l’écueil de la folklorisation. S’il a choisi de faire siens ces sujets, c’est qu’il connaît la réalité des boulots précaires. Le peintre ne confisque ainsi aucune parole et s’exprime d’une place qui a été la sienne. Il use d’un savoir situé et ne projette sur l’autre nulle caractéristique stéréotypée. Enfin, il est intéressant de s’interroger sur la place de la technicité dans sa pratique, car celle-ci n’est pas anecdotique. Elle est un liant, un outil, moteur d’échanges. L’artiste va ainsi à contre-courant d’un art conceptuel qui réclame souvent une flopée de cartels pour tenter, toujours, et réussir, parfois, à plonger le public en émoi. Ici, l’approche est rétinienne et la technique est maîtrisée de sorte que l’autre se sente pleinement considéré. Que ses modèles soient médecins, travaillent au marché de Rungis, fassent des livraisons ou soient techniciens, Arnaud Adami les voit, les peint et précise ainsi leur existence autant que leur importance.

Camille Bardin


Arnaud nomme le prolétariat contemporain : celles et ceux que l’on croise quotidiennement sans y prêter attention car on ne les regarde pas. Un hommage à ces travailleurs de l’ombre, avec qui il tisse par sa peinture attentive, précise et puissante une relation d’intimité.

Alors que les scènes relèvent d’un contexte urbain très actuel, les positions des protagonistes sont quant à elles inspirées des grands thèmes de l’histoire de l’art, comme sa première série issue des portraits des rois de France, ou encore comme la représentation d’objets de notre monde moderne tels sacs à dos ou casques présentés comme des natures mortes.

En ce moment « le focus » souhaité par l’artiste, selon ses propres mots, est celui de la chute. Celle des livreurs à vélo tels que Deliveroo ou UberEats. Thème récurrent de l’histoire de l’art notamment via la chute du personnage d’Icare mort en volant trop près du soleil, illustrée par Pieter Brueghel l’Ancien au XVIe siècle et plus récemment par Bas Jan Ader ou Yves Klein.
Cette métaphore est plus qu’une invitation à la réflexion sur les valeurs de notre société en perdition. Elle ressemble plutôt à une humble incitation à une plus grande considération de ces invisibles.

Texte de Marianne Dollo


La violence de la discipline imposée au corps, aux “corps dociles” comme l’a écrit Michel Foucault, est présentée par les portraits intimistes des “prolétaires contemporains de Deliveroo”, selon les mots d’Arnaud Adami, auteur de trois portraits et de trois natures mortes représentant les accessoires de ces livreurs ubérisés. Encore étudiant aux Beaux-Arts de Paris, le peintre travaille tous les étés en usine et cherche dans ses œuvres à mettre en valeur “ceux qu’on voit mais qu’on ne regarde pas”.

Texte d’Annabelle Gugnon pour ArtPress


Arnaud Adami s’intéresse au travail et aux travailleurs. Ses peintures entrent dans trois genres picturaux : le portrait, la scène de genre et la nature morte. 

Les portraits de travailleurs peints par Arnaud Adami nous donnent accès à une sphère quasi-intime. Ainsi, à l’opposé d’une redite d’une sorte de réalisme socialiste qui viserait à glorifier le travail et identifierait les travailleurs à leur travail, les portraits peints par Arnaud Adami nous montrent des individus qui pourraient tout à fait être reconnus par leurs proches. Seulement nous, nous ne les connaissons pas. Et les seuls éléments visuels auxquels nous pouvons nous raccrocher pour comprendre ces portraits ce sont les couleurs et le logo de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. En l’occurrence : Deliveroo, entreprise phare de l’économie dite « ubérisée ». Et c’est alors une lecture sociologique de ces peintures qui se propose à nous.
L’omniprésence des couleurs de l’entreprise rend saisissant le paradoxe de cette forme de travail où il est désormais possible pour une entreprise de faire porter un uniforme à un travailleur sans en être légalement l’employeur. 

Viennent ensuite les « natures mortes ». Un casque de cycliste, un sac, une veste. Ces peintures se focalisent sur les accessoires aux couleurs de la plateforme Deliveroo qui interdit à ses livreurs « indépendants » de porter les couleurs d’une marque concurrente. Ces accessoires interviennent comme une accumulation de pièces à conviction qui viendraient démontrer l’existence matérielle d’un lien de subordination entre les travailleurs « indépendants » et les plateformes pour lesquelles ils travaillent, lien de subordination gommé et nié par le langage de ces plateformes.

Texte d’Etienne Meignant


Arnaud Adami a fait de l’usine industrielle le lieu privilégié de sa production picturale. « Travaillant réguliè­rement dans l’une d’entre elles, pour financer mes études, j’ai établi des ponts entre cette expérience et ma démarche artistique, notamment en développant un point de vue sociologique. Je cherche à retranscrire une perte de repères dans mes espaces picturaux, tel un ouvrier peut perdre ses repères lorsqu’il travaille. »

Une série de portraits au réalisme photographique représente des ouvriers, ses collègues, dont le regard direct et franc exprime une vérité brute.

Suite à son arrivée aux Beaux-Arts de Paris, son travail a pris une direction nouvelle. Arnaud Adami évoque le prolétariat contemporain lié à l’ubérisation : des portraits de livreurs, reprenant les poses clas­siques de l’histoire de l’art, dégagent une dignité royale, en contraste avec leur condition précaire.

De grandes toiles évoquent des figures de l’aristocratie, quand les moyens formats renvoient à un imaginaire religieux, et les tableautins réinventent la scène de genre ou la nature-morte. Arnaud Adami fait ressortir l’humanité profonde de ses modèles, dont les prénoms donnent leur titre aux œuvres.

Texte de Samuel Landée